Coaching de prise de poste, pour ou contre?

De plus en plus pratiqué, le coaching de prise de fonction se taille aujourd’hui la part belle dans les demandes d’accompagnement individuel. Quels en sont les apports pour l’entreprise et le coaché ? Ce phénomène recouvre-t-il des dangers et lesquels ? Quelles sont les conditions de réussite ? Quelle place ce type de coaching peut-il prendre tout en maintenant son niveau d’exigence et d’efficacité?

Quels avantages au coaching de prise de poste ?

  1. Considération: bénéficier d’un coaching lors d’un changement de responsabilités montre que l’entreprise considère la personne et investit en son développement. Une prise de poste est un moment fort et critique dans une carrière, une période d’opportunités, de risques et de stress. L’accompagnement constitue une véritable ouverture au coaché en offrant un espace de travail, de recul et de décompression.
  1. Apprentissage et développement professionnel : changer de poste est l’occasion de rebattre ses cartes professionnelles : nouvelles missions, nouveaux liens de travail, nouvelle place dans l’organisation. Le salarié enrichit sa posture, consolide et acquiert de nouvelles compétences. Il intègre de nouvelles attentes et confronte ses envies professionnelles à la réalité : « Ce type de fonction est-il fait pour moi ?», « J’ai toujours voulu être patron, mais finalement qu’est-ce qui est attendu de moi ? » «  Ce job, est-ce bien ce que je veux pour moi? ». L’intérêt du coaching est alors d’adresser de telles questions et d’y trouver des réponses. Mais surtout, pour le coaché, il est d’avoir les moyens de re/travailler ses compétences. Et cette possibilité s’avère souvent extrêmement profitable, car dans de tels moments, le coaché développe une plus grande réceptivité que d’ordinaire. Un autre élément favorisant les apprentissages est la richesse des évènements vécus par le coaché, évènements inhérents à toute période de renouveau. En effet, cette richesse offre un contenu de travail varié et réutilisable directement dans le travail de coaching. Etre accompagné a donc pour effet d’accélérer le développement professionnel du salarié.
  1. Consolidation d’identité professionnelle et accélération: le changement offre également un moment propice au coaché pour réfléchir à son propre style de management, à la façon dont il veut exercer ses fonctions : «Quel genre de manager suis-je» « Qu’est-ce que cela signifie d’être leader dans mon job ? », « Comment incarner mes valeurs dans le projet que j’ai à mener ? ». C’est l’expérience de cet ancien directeur de site promu DG, qui dira, au terme du coaching: « Avec ce coaching, j’ai pu très rapidement savoir ce que je voulais faire en tant que DG de cette division, j’ai pu mettre ma patte et j’ai gagné beaucoup du temps. ». Dans ce cas, le coaching a un double effet d’accélérateur et de miroir.
  1. Sécurisation: mais la prise de poste ne rime pas seulement avec opportunités puisqu’elle est également source de dangers aussi bien pour le collaborateur que pour l’employeur. C’est en effet une remise en jeu où il est, parfois, absolument nécessaire de faire ses preuves très rapidement – 100 jours à peine ! C’est aussi le moment d’enrichir ses savoir-faire et autrement que dans la continuité du poste précédent puisqu’il s’agit d’explorer des nouveaux territoires et d’intégrer les enjeux de son nouvel environnement (enjeux business et relationnels). Ce fut le cas de ce jeune cadre en rejoignant une entreprise publique en tant directeur de projet informatique. Très vite il du se mettre au travail. En moins d’un semestre, il devait comprendre les enjeux politiques, prendre en main son équipe et assurer les premiers livrables du nouveau système informatique aux utilisateurs. Un tel cumul de difficultés l’a conduit à demander un coaching. Il avait besoin de pouvoir mieux décoder les aspects culturels, relationnels, de se positionner vis à vis de ses multiples interfaces internes et externes et de réduire son niveau de pression. Cet accompagnement a été un lieu d’expérimentation, d’apprentissage et de décompression.
  1. Reconnaissance et motivation: le coaching est souvent interprété par le collaborateur comme une preuve de l’intérêt que l’entreprise lui porte. Elle investit sur lui et croit en ses capacités. L’entreprise ne lui propose effectivement pas de suivre une formation pour apprendre ce qu’il doit faire et comment le faire. Elle lui propose une démarche individualisée et collaborative dont la méthodologie invite à rechercher par soi-même ses propres solutions. Ainsi, le coaching de prise de poste a pour objectif d’accroître la motivation et l’autonomie du collaborateur afin de renforcer les conditions de réussite dans ses nouvelles responsabilités.
  1. Démocratisation du coaching : enfin, un dernier avantage concerne le coaching lui-même. Sa diffusion plus large permet à un nombre plus important de professionnels de bénéficier d’un accompagnement individuel. Le coaching n’est plus réservé à quelques « happy few ». Démystifié, mieux connu et moins identifié comme une réponse à de l’incompétence, le coaching est perçu alors comme créateur de valeur. Il gagne alors de plus en plus ses lettres de noblesse.

Quels sont les dangers du coaching de prise de poste ?

  1. Doutes de compétences : du point de vue du salarié, bénéficier d’un coaching lors d’une prise de fonction peut-être interprété, à tort ou à raison, comme le signe d’un manque de compétences. C’est le cas lorsque la pratique du coaching est peu développée dans l’entreprise. Un « doute pour soi » peut alors s’installer : « un coaching parce que je ne sais pas faire ? », « Ai-je des trous dans ma raquette de compétences ? » Un doute peut également naître dans la tête des autres collaborateurs, ou se propager telle une rumeur pour peu que l’environnement soit concurrentiel ou peu bienveillant.
  1. Déplacement du cadre de travail : par ailleurs, le coaché peut être tenté, sans forcément sans rendre compte, de considérer son coach comme une conseiller. Il déplace alors le cadre de travail en demandant des conseils, des avis et des feedbacks miroirs à son coach : « mais qu’en pensez-vous ? », « Dite moi ce que devrait dire ou faire un DG». Or l’espace de travail proposé par le coaching est celui d’un lieu de d’exploration, d’expérimentation, d’écoute, de prise de recul, de questionnement et de collaboration.
  1. Toute-puissance du coach : un risque majeur peut apparaître si le coach s’installe en position haute, celle de « celui qui sait ». Cette prise de position est justement contraire au postulat de base du coaching qui exige que seul le coaché « sait », connaît la solution à ses difficultés. Le coach est présent aux cotés du coaché afin de l’aider à identifier, à formuler, prendre du recul et à trouver compétences et solutions à sa disposition. Le coach « tout-puissant » élabore des stratégies à la place de son client et risque, par exemple, de donner des feedbacks biaisés ou inappropriés. Quand le cadre du coaching n’est plus respecté, le travail ne s’effectue plus de manière efficace et le coach finit par perdre sa crédibilité.
  1. Déresponsabilisation: un autre danger assez préoccupant dans l’accompagnement à la prise de poste survient lorsque le manager ne joue pas son rôle d’accompagnement à la prise de fonction. Il compte sur le coach de son collaborateur pour transmettre à ce dernier savoir-faire, recettes, us et coutume. Or, la réussite d’une prise de fonction dépend en grande partie du lien de travail qui se construit entre manager et managé. Peut-on dénoncer une déresponsabilisation du manager qui ne prend pas en charge le développement de son collaborateur ? Vraisemblablement oui, comme on peut aussi dénoncer un surinvestissement de l’espace du coaching par le coaché et son manager.

Comment travailler en coaching de prise de poste ?

Ma position de praticienne est que le coaching de prise de fonction a une vraie place dans l’organisation dès lors que sont identifiées les situations propices au coaching, que sont précisés les objectifs et le cadre de travail et enfin, que sont distribuées les responsabilités des acteurs dans le coaching.

  1. Identifier les situations propices à un accompagnement

La première condition de réussite du coaching de prise de poste est sa précocité. Plus le recours à un coaching est précoce, plus l’accompagnement sera efficace et bénéfique. Or parfois, les entreprises appellent au secours un coach alors que les situations sont déjà bloquées ou trop dégradées. Le coaching de prise de poste se prête plus difficilement aux interventions en mode « pompier ». En particulier, il ne peut pas sauver des relations de travail déjà très détériorées et des situations où la violence et le désespoir se sont invités.

Nous l’avons déjà évoqué, plus la personne est soutenue par la présence de son management, de la DRH et/ou d’un mentor, plus le coaching est efficace. L’isolement professionnel, géographique et relationnel de la personne sont des facteurs qui peuvent atténuer les effets bénéfiques du coaching.

  1. Prendre le temps de définir des objectifs précis de travail

Plus que jamais, la définition d’objectifs clairs à atteindre est incontournable. Ainsi, chacun des objectifs doit être travaillé finement avec le coaché et lors du rendez-vous à trois en présence du manager afin de bâtir une alliance solide et saine. Tous les objectifs doivent être évaluables (même s’il s’agit parfois d’une évaluation propre qui sera propre au coaché), repérables (concrètement dans une situation), atteignables dans le temps et avec les moyens du coaché. Ces objectifs doivent être distincts les uns des autres. Un des enjeux du coaching est de prendre le temps de nommer et clarifier les objectifs alors que, justement, le coaché a envie d’enclencher rapidement les séances de travail car lui même happé par la nécessité et le désir de faire rapidement ses preuves. C’est un contre-pied nécessaire car très profitable à la réussite de l’accompagnement.

  1. Tenir le cadre de travail 

Avec le cadre de travail, j’introduis principalement les règles de transparence et d’engagement. Dans ce type de coaching, il est en effet inenvisageable pour le coach d’intervenir en ayant des informations que le coaché n’aurait pas. Il arrive en effet que l’entreprise confie quelques secrets entre deux portes au coach: « s’il ne fait pas l’affaire, nous le changerons… », « Untel n’en voulait pas mais nous n’avons pas jugé utile de le lui dire », « Nous lui avons donné une chance mais nous avons des doutes… » . Or, il est justement de la responsabilité de l’entreprise de donner les informations nécessaires à son collaborateur de sorte à ce qu’il prenne toute la mesure de son nouveau job. Le coach ne peut endosser le rôle de messager. De même, un secret confié au coach par le coaché, principalement son intention de quitter l’entreprise, empêche le coaching d’avancer. Dans les deux cas de figures, l’alliance de travail à 3 (entreprise, coach et coaché) ne tient plus, or c’est la clé de voûte d’un coaching en entreprise.

Reste, dans le cadre de travail, la question de l’engagement, autant celui du coaché que celui du manager. Le désengagement de l’un ou de l’autre donne un matériau de travail trop léger, discordant avec l’enjeu inhérent au changement de fonction et inefficace. Ainsi, clarifier cet élément intervient très trop dans l’accompagnement et s’il se produisait différentes options pour y faire face se présente : proposer un point de régulation ou bilan intermédiaire, voire stopper le coaching si la situation se présentait. L’engagement est bien une règle d’or.

  1. Distribuer les responsabilités

Enfin, un des principaux écueils dans ce type d’accompagnement est de confondre management avec coaching. La responsabilité de faciliter à la prise de fonction appartient au manager (et en partie parfois à la DRH). Le manager doit donc être partie prenante dans le processus d’accompagnement en étant présent dès le premier entretien fixant le cadre de travail (objectifs, séances, indicateurs de réussite), lors d’éventuels rendez-vous intermédiaires et en clôture de coaching, de sorte à faire un feedback sur ce qu’il a pu observer, par exemple.

 Pour autant, la présence du manager n’est pas toujours possible, un mentor ou un référent peut alors jouer ce rôle. Ce dernier sera à la fois témoin (celui qui observe le chemin possible à parcourir et celui parcouru) et guide (donnant des conseils, des avis, des contacts et des décryptages).

 Une fois précisée la question de la responsabilité du côté de l’entreprise, il convient d’examiner celle du coach. Ainsi, il est utile de vérifier que ne pèse pas la promesse (fausse) de la réussite sûre et certaine à la prise de fonction grâce au coaching. L’existence d’une telle promesse aurait tendance à favoriser le désengagement de l’entreprise et du manager. Voici quelques questions permettant d’aborder ce sujet avant le démarrage du travail: « Que se passera-t-il si la prise de poste se passe mal malgré votre décision d’accompagner la personne ? », « A quoi saurez-vous que votre prise de poste est un succès/un échec », « Qu’est-ce qui pourrait se passer de pire au cours de ce coaching ?« ….

Ainsi, le coaching à la prise de fonction a bien une place dans l’entreprise mais pas toute la place. Il n’est ni automatique, ni magique. Il se « consomme » avec discernement afin d’être en mesure de maintenir son efficacité et sa crédibilité  dans l’entreprise.

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