Hugo n’a pas envie de retourner au boulot, “en tout cas pas comme avant, tous les jours à heure fixe!” Pendant le confinement, il a apprécié de mener les projets depuis chez lui car il a gagné 1h30 de temps de transport. A la place, il allait faire son footing et se préparait des repas sains.
La désorganisation de la crise a favorisé l’autonomie des personnes et des équipes, et donc leur performance en générant un regain d’énergie-motivation. Les managers ont dû lâcher le contrôle de fait, et se sont aperçus qu’ils pouvaient faire confiance et déléguer plus, non pas seulement des tâches mais des responsabilités à leurs équipiers.
Jean-Pierre, le responsable hiérarchique d’Hugo, s’est senti impuissant. Depuis, il n’attend qu’une chose : le retour de ses troupes autour de lui car il s’inquiète pour la cohésion de son équipe et l’intégration des nouvelles recrues. Les vacances ont déjà éloigné les uns et les autres et il sent que la motivation est basse. Le contexte de forte incertitude n’aide pas à se projeter. Pire il entend poindre la revendication d’un droit fondamental : devenir maître/libre de son temps et de son espace de travail!
Comment concilier ces aspirations nouvelles et les exigences du business qui sont encore plus pressantes qu’avant ?
Selon Alain D’Iribarne, sociologue du travail, « À l’avenir, il sera donc essentiel pour les entreprises d’être capables d’apporter nettement plus de souplesse et d’autonomie à leurs salariés en leur proposant de mieux travailler à leur rythme. La satisfaction à grande échelle d’une telle demande serait probablement la plus forte révolution copernicienne de toutes ces dernières décennies pour le management français. Aujourd’hui, celui-ci est mis en face de ses responsabilités, d’autant plus que tous les blocages matériels à cette demande ont sauté, les feux de la technique passant au vert. […] « Toutefois, la réussite d’un tel projet suppose deux conditions : que cette diversification des lieux s’accompagne d’une plus grande liberté laissée aux salariés dans l’organisation de leurs lieux et temps de travail ; et que soit mis en place un management qui prenne acte des compétences réelles acquises par tous leurs collaborateurs et qui accepte de les gérer en leur faisant confiance. »
Jean-Pierre décide d’organiser un team building début septembre. Certes, se retrouver tous ensemble dans une pièce avec le masque ce sera moins agréable, mais « c’est indispensable » pense-t-il pour « remettre les pendules à l’heure et rappeler à chacun ses engagements envers l’entreprise. » En discutant avec sa coach, il a décidé de faire de la demande de télétravail une opportunité pour réorganiser le fonctionnement et refaire un pacte d’équipe tenant compte de ce besoin de liberté des collaborateurs. « Cela risque de secouer un peu mes idées… Mais, je pense qu’on va trouver des solutions nouvelles. En fait, j’ai confiance dans la compétence et le sérieux de mes collègues. »
Une équipe est un système vivant qu’il faut « laisser vivre », une fois que les règles et le pacte de responsabilité ont été posés et validés par chacun. Il n’y a donc, pour le manager, pas à faire plus, mais à en faire moins, à lâcher un peu de contrôle pour se centrer sur son rôle de stratège et garder le cap.