Nous pouvons penser que la maîtrise d’un métier s’acquiert essentiellement par la méthode et par la pratique. Il suffirait alors de pratiquer et d’apprendre pour réussir ! C’est sans doute important, mais largement insuffisant. En effet, il y a aussi l’esprit, la posture, les idées sur la vie et nos intentions qui participent aux échecs et aux réussites de nos projets.
Bref, est-ce à dire que l’efficacité de la méthode et de la pratique dépendraient alors des idées que nous nous faisons du fonctionnement du monde ?
Les métaphores sont un bel exemple pour montrer comment les idées que nous nous faisons du monde façonnent notre travail. Cependant, dans la pratique, les effets de leur utilisation font rarement partie de la réflexion métier.
A titre exemple, quelques métaphores fournies par les professionnels ayant participé à la construction du nouveau stade du Havre. Ils ont vu le projet comme :
- Une arène : les spectateurs en hauteur et les gladiateurs au milieu.
- Une fable : le lièvre et la tortue
- Un jeu d’échec : « chaque pièce a son rôle », « un jeu de stratège », « un jeu qui se joue avec son adversaire »
- Un équilibre : « funambule », « on the edge », balancier, « travailler sans filet »
- Un jeu de ballon, l’équipe de foot, …
Ainsi, si ces métaphores influent sur la façon dont les équipes perçoivent leur métier et leur travail, il est donc possible d’en faire une direction de travail avec les « équipes projet ».
Le travail sur les métaphores dans les équipes projet leur permettrait-il alors de se rendre compte que la technique, les méthodes et les pratiques sont à la fois génératrices de métaphores et à la fois influencées par des métaphores ?
Voici quelques découvertes issues du travail avec les équipes projet
- Le sens d’une métaphore est-il communément partagé au sein d’un même métier ? L’expérience montre que les membres d’une équipe nous apprennent qu’une même métaphore prend des interprétations et des sens variés pour chaque membre de l’équipe. Ainsi, « l’arène avec ses gladiateurs » amène à la fois à des conclusions violentes, héroïques, mais aussi d’exemplarité, de responsabilité pour sa famille, de faire attention à soi et aux autres, y compris aux adversaires.
- Les différents discours présents dans la société empruntent-ils les métaphores comme des véhicules ou les incarnent-ils ? En effet, les discours sociétales sur la réussite et sur l’échec occupent les espaces métier et particulièrement celui des équipes de projet. Nous pourrions alors avoir l’impression que le sens d’une métaphore se réduit à son discours. Le travail avec les équipes projet montre au contraire que la métaphore elle-même conserve toute sa potentialité. Il est a priori facile de se rendre à d’autres endroits que celui du discours dominant. Il apparaît même clairement que personne ne perd le lien avec les sens préférés qu’il attribue à la métaphore.
Ainsi, la métaphore banalisée de « l’équipe sportive gagnante » fait très vite place à des métaphores plus nuancées et moins répandues à partir du moment où la curiosité de l’intervieweur investit les champs obscurcis par les discours présents dans la société.
Explorer les métaphores avec les collectifs s’avère donc un puissant moteur et une source riche d’informations concernant les représentations, les idées de chacun vis à vis du travail. Elles offrent un moyen concret et respectueux d’avancer dans un accompagnement d’équipe.
Stefan CSÖSZ et Magali Thoraval