L’équipe aussi a besoin d’intimité

Récemment un coaching de comité de direction s’est terminé sur le constat que l’équipe était prête à aller dans l’intimité. C’est ce que Guillaume, l’un des 10 directeurs membres du codir a exprimé en interpellant ses pairs: “La question, c’est la franchise! Alors est-ce qu’on est prêts à se livrer ?” a-t-il demandé en les regardant un a un.

Sa question a suscité un silence surpris et gêné, puis Bertrand, le directeur général, répondu : “oui, moi je suis prêt”. Certains ont hoché la tête et osé un sourire timide.

Guillaume venait de nommer une importante étape franchie par son collectif : la maturité qui permet d’aller dans l’« intimité d’équipe». L’intimité est une notion issue de l’Analyse Transactionnelle (A.T.). Elle évoque des relations authentiques, sincères que l’on observe rarement en entreprise et dans les organismes publics. Il est plus fréquent d’avoir des relations assez superficielles avec les gens et, ce manque de compréhension réciproque peut générer des malentendus, des frustrations voire des tensions.

Au démarrage de l’accompagnement de ce codir, il y a un an, ce n’était pas gagné !  L’équipe vivait des réunions de codir très descendantes et témoignait de relations soit inexistantes, soit tendues, que l’on retrouvait au niveau des interfaces entre département. Cette absence d’intimité entre membres du codir générait malentendus et frustrations. Nous sentions le manque de confiance mutuelle qui empêchait chacun de s’engager dans ce collectif, d’oser partager ses difficultés, et donc de collaborer plus efficacement en transversal. Chaque directeur restait dans son silo et ils avaient besoin de passer par le DG pour réussir à se parler et réguler avec lui les relations difficiles. Ce dernier s’usait à faire la courroie de transmission et n’avait pas le temps de se consacrer à la stratégie de sa direction.

Eric Berne le fondateur de l’A.T. a développé le concept de structuration sociale du temps. Il suggère 6 façons d’occuper le temps dans l’environnement professionnel, que nous reprenons ici pour raconter l’évolution de cette équipe de codir :

  • Le retrait : est positif s’il s’agit de s’isoler temporairement pour prendre du recul et réfléchir, il devient délétère s’il exprime un évitement, une fuite de la relation. Dans ce codir, la majorité des directeurs étaient en retrait pendant les temps collectifs : ils restaient silencieux ou se « cachaient » derrière leur ordinateur. D’autres tentaient de défendre leur direction et entraient dans une conversation bilatérale (de justification souvent) avec le DG qui n’intéressait pas les autres pairs. Ces comportements rendaient les réunions pesantes.
  • Les rituels : permettent d’entrer en contact avec l’autre et de fluidifier les relations comme  » bonjour, comment ça va ? « . Mais s’ils manquent de sincérité (par ex. répondre “ça va”, alors que c’est faux) et constituent un moyen d’éviter de s’impliquer plus dans la relation, ils sont insuffisants pour créer des liens de confiance et des alliances. La difficulté rencontrée par le codir coaché était la disparition des rituels du fait du 100% télétravail et des visio sans caméra. Ils s’étaient vraiment « perdus de vue » depuis un an. Les nouveaux arrivants n’avaient pas eu l’occasion de rencontrer leurs collègues. Chaque réunion démarrait directement par la liste des problèmes à résoudre. Il n’y avait pas de place pour oser dire « je ne suis pas en forme » et encore moins pour demander de l’aide. Au mieux, le codir s’autorisait à dire « c’est dur, c’est compliqué » mais nul n’aurait songé à aller un pas plus loin dans les relations avec ses collègues.
  • Les passe-temps :  sont des échanges informels sur des sujets extraprofessionnels peu impliquants –  » la pluie et le beau temps « , les vacances, le match de foot ou la dernière série sur Netflix – ils sont positifs quand ils constituent une manière de faire connaissance mais ne sauraient suffire à construire une relation de confiance pour traiter un problème relationnel. Certains anciens de l’équipe codir tentait de maintenir des échanges informels au minimum, mais n’avait pas pu en créer avec les nouvelles recrues. Aussi, il existait un fort décalage entre anciens et nouveaux.
  • Les activités :  sont importantes pour souder un collectif et intensifier les interactions. Elles se limitaient à l’échange d’informations lors de (longs) tours de tables menés par le DG, mais il n’y avait aucune discussion commune lors des instances codir, ni groupes de travail transverses en dehors de ces réunions formelles. En revanche, les directeurs de départements étaient dans la suractivité et le micro-management de leurs équipes respectives qu’ils surchargeaient de nouveaux projets alors que les agendas débordaient déjà.
  • Les jeux psychologiques: sont destructeurs pour la relation et s’organisent autour du triangle dramatique Victime-Persécuteur-Sauveur formalisé par S. Karpman (voir l’article intitulé « Les jeux psychologiques, pour décoder les comportements perdant-perdant au travail »). Dans l’équipe du codir, plusieurs interactions négatives se « jouaient » autour des gagnants et des perdants de la restructuration en cours, et sur le thème de la surcharge de travail, du manque de temps et de la pression à atteindre des objectifs impossibles.
  • L’intimité: est fondée sur la confiance réciproque, la reconnaissance pleine et entière de l’autre, ainsi que l’acceptation de se montrer tel qu’on est, sans déguisement ni artifice. L’intimité est la forme de structuration du temps la plus gratifiante, la plus accomplie des relations humaines: on donne et on reçoit les signes de reconnaissance dont on a réellement besoin.

L’accompagnement de cette équipe de codir a permis d’instaurer cette forme de structuration du temps qui est la plus gratifiante : aujourd’hui chacun.e exprime besoins, peurs et désirs en sécurité. Chacun.e y donne et y reçoit les signes de reconnaissance dont il/elle a réellement besoin.

  • « J’ai appris à plus me livrer et dire les choses »
  • J’ai appris à être plus bienveillant et à moins juger les autres »
  • « J’ai appris à oser dire que je ne savais pas faire »
  • « J’ai appris à faire des feedbacks plus personnels »

L’intimité de l’équipe codir rend aujourd’hui possible une véritable coopération, créative, performante et amusante aussi ! Les co-équipiers n’éprouvent plus le besoin de se mettre à l’écart (retrait), d’être prudents (rituel et activité), ou de jouer un « jeu psychologique ».

En parallèle, lors des différents séminaires de coaching, les directeurs ont expérimenté une méthode de réunion plus structurée permettant la confrontation constructive et appris à travailler ensemble.  Le dernier jour de l’accompagnement, des engagements jusque-là impensables ont été pris :

  • « Maintenant, je vous dirai les choses directement et honnêtement”
  • « Je vais aller plus au contact de mon équipe et à oser parler de moi »
  • « J’ai envie d’apprendre à connaître les gens et oser demander de l’aide »
  • « Je voudrais donner plus au collectif quand je sens qu’il y a des non-dits et des malaises ».
  • “Je propose un groupe de travail pour qu’on continue à travailler sur notre fonctionnement, qui veut participer ?”

Chloé Ascencio et Magali Thoraval

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