« On ne se connaissait pas, c’est pour ça qu’on a bien travaillé ensemble »

Lors d’un coaching d’organisation nous avons entendu les membres d’un groupe de travail de 5 managers dire: « On ne se connaissait pas, c’est pour ça qu’on a bien travaillé ensemble ». Cette phrase semble absurde a priori et elle a fait rire les 40 autres personnes dans la salle.

Mais la suite est importante « Parce qu’on n’avait pas d’étiquettes. »

Paradoxalement, se connaître peut empêcher un collectif de bien travailler ensemble. Regardons plus en détail ce qui se cache derrière cette affirmation:

On ne se connaissait pas : Pourquoi les personnes d’une même équipe, qui pourtant se « connaissent » peuvent-elles avoir du mal à travailler ensemble? Les collègues déjeunent ensemble ou se côtoient à la machine à café, mais le plus souvent chacun joue un « rôle » social. Ce n’est pas une discussion extra-professionnelle sur les enfants ou de raconter ses vacances qui permet de dire « on se connaît ». Il s’agit en fait d’un échange de type « passe-temps  » selon l’analyse transactionnelle. Il est peu impliquant, il met juste de l’huile dans les rouages…

Parce qu’on n’avait pas d’étiquettes : au travail les personnes se voient travailler et ont le temps de former un jugement sur l’autre, au travers de leurs propres filtres culturels, sociaux, de leur propre histoire … Par exemple: « Lui, il est fiable mais pas sympa », « Elle, elle se noie dans un verre d’eau, faut rien lui demander », « Celui-là,  on ne sait jamais qu’il pense »,  « Dans l’autre équipe, ils sont nuls, on est deux fois plus rapide qu’eux », « le boss, il n’arrive pas à décider, alors ses réunions durent des heures », etc...). Les filtres de nos valeurs et croyances impactent forcément la perception que l’on a des uns et des autres. Difficile de ne pas être dans le jugement, c’est humain.

Le cadre d’un coaching d’équipe est celui de la parité. Ce rapport d’égalité seul permet d’oser être soi-même et partant, d’oser exprimer ses idées et d’accueillir les idées des autres.  On y apprend à suspendre le jugement et à prendre de la hauteur pour observer ce qui se joue derrière les relations. Dans ce groupe de travail évoqué au début de l’article, les managers venaient de départements différents, ne travaillaient pas ensemble: ils étaient donc sans jugement a priori les uns sur les autres mais simplement dans l’écoute et la curiosité. Ils n’avaient pas eu le temps de se ranger mutuellement dans des « cases » ni de se coller des « étiquettes » sur le front, pour reprendre la métaphore employée.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la parité est très rare dans les relations professionnelles. Ce qui prévaut en général, ce sont des relations complémentaires dans lesquelles l’un adopte une posture « haute » et l’autre, une posture « basse ». C’est le cas des relations hiérarchiques mais pas seulement: dès lors que l’un prend un ascendant sur l’autre (en donnant un conseil par exemple: « tu ne devrais pas faire comme ça« ), on n’est plus dans une relation de parité. La posture basse peut être aussi utile pour manipuler l’autre et obtenir un service: « Je suis nulle en informatique, je n’y arriverai pas sans toi. » Les relations entre personnes de même niveau hiérarchique sont à priori symétriques, mais cela ne garantit ni la coopération ni la parité:

« coopérer permet de disposer des moyens d’être compétent en obtenant l’information et soutien ; entrer en concurrence permet d’être reconnu comme plus compétent que les autres. »* 

Avez-vous construit des relations de parité dans votre environnement de travail ? Pensez à votre relation avec un collègue ou partenaire professionnel que nous appellerons X: Quelle image décrirait cette relation ? A partir de cette métaphore, tentez de répondre à ces 3 questions:

  • « Est qu’avec X, j’ose réellement dévoiler mes idées mais aussi mes doutes et mes difficultés ?
  • Est-ce que j’ose demander de l’aide à X ?
  • Est-ce que j’intègre les idées de X ? Et X, intègre-t-il/elle les miennes?»

La parité suppose d’accepter de montrer sa vulnérabilité, et donc aussi d’accueillir celle de l’autre sans jugement. Pour construire la parité, il faut un haut niveau de confiance en l’autre. La parité exige aussi la réciprocité dans la relation: que chacun ait le sentiment qu’il donne et reçoit à part égale, que ses idées et contributions ont de la valeur pour l’autre.

La parité dans une équipe est la condition sine qua non de l’intelligence collective: libre émergence des idées, co-création, entraide, co-responsabilité, prises d’initiatives.

Quand les relations ne sont pas « bonnes » au sein d’une équipe, peut-on changer la donne? Quand on observe des comportements d’évitement mutuel, de compétition stérile, que chacun travaille en silo dans son coin sans prendre compte l’intérêt de l’entreprise. Quand les conflits latents entravent les projets avec des conséquences nocives sur la production et la satisfaction des clients. Existe-t-il une solution alternative à celle qui vient d’abord à l’esprit: changeons les personnes et/ou changeons l’organisation? Oui, car la parité se construit dans l’accompagnement d’équipe dont le premier objectif sera de créer de nouvelles relations, pour un nouveau commencement, faire une « co-naissance » en somme.

La bonne nouvelle, c’est que cela fonctionne aussi avec les Chinois, malgré leur culture très hiérarchique: non seulement leur besoin de confiance interpersonnelle est encore plus fort que celui des Français, mais ils maîtrisent encore mieux que nous l’art du donner et recevoir.

*N. Alter, Donner et prendre, la coopération en entreprise, La découverte, 2009

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