Equipes au bord de la crise de nerf

Si rien n’est fait…

« Je pensais que tout cela était derrière nous, que la page était tournée car pendant le confinement, on a dû tous se serrer les coudes ». Audrey constate que les équipes support et opérationnelles se font à nouveau la guerre alors qu’elles ne sont pas encore revenues dans les bureaux. Oui, l’épisode covid-19 a créé des tensions entre les personnes mais il a surtout révélé voire amplifié des difficultés existantes entre les salariés, les équipes et dans l’organisation.

Il fallait tenir bon

L’on a pu observer pendant la crise sanitaire une communication plus directe, plus abrupte dans les entreprises. Un mode « chat » s’est répandu, justifié ou pas par la pression et l’obligation d’aller vite. L’essentiel était de faire face et de faire tourner la boutique. Le court terme et l’action immédiate l’ont emporté sur l’entretien des relations qui en ont souffert. Pour Véra, il n’a pas été possible de parler de son stress intense dû à la présence de son enfant de 2 ans qui interrompait toutes ses visioconférences. « Je n’ai pas osé demander un allègement de ma charge de travail à mon directeur car je venais juste d’être promue, je voulais me montrer à la hauteur ». Elle en garde une rancœur non-dite à l’égard de ce dernier qui ne s’est pas rendu compte de sa souffrance.

Il fallait « en être »

Pendant le confinement, la solidarité était devenue une valeur essentielle et a permis de redonner, pour un temps, du sens à des collectifs qui avaient perdu leur boussole. Ainsi Laurent, directeur financier, a serré les dents lorsque son DG est arrivé avec pratiquement une heure de retard lors de l’entretien annuel fin avril.  C’est une habitude de ce dernier qui : « n’est jamais à l’heure à nos réunions et ne pense pas à s’excuser ». Laurent n’a pas bien vécu cet entretien qui aurait dû être un moment important pour lui et son hiérarchique. Il s’est dit que ce dernier avait probablement trop de pression, et lui a trouvé des excuses lui-même. « J’ai voulu croire que ça passerait, qu’on pourrait toujours s’ajuster plus tard. »

Mais rien n’a changé depuis le retour dans les bureaux, ni pour Véra qui jongle pour faire garder son petit, ni pour Laurent qui mesure à quel point la gestion du temps de son chef est un dysfonctionnement majeur dans l’équipe dont il n’est pas le seul à se plaindre (tout bas).

Et maintenant, que reste-t-il ?

L’adrénaline de l’urgence a fait son œuvre. Elle a masqué une partie des tensions et des dysfonctionnements. Mais lorsque les relations ou les organisations étaient déjà bancales, cette stratégie ne marche pas, l’urgence n’est plus la même. Édouard, en charge d’une équipe de contrôleurs, était convaincu que son « équipe allait mieux, qu’elle m’acceptait comme chef et que cette nouvelle organisation commençait à fonctionner un peu mieux. A mon retour dans le service, je suis tombé des nues lorsque mon manager a remonté les plaintes à propos de mon management ». La crise n’a rien arrangé, au contraire, les difficultés de fonctionnement existantes sont réapparues de plus belle.

Laetitia, associée dans un cabinet de conseil, partage sa déconvenue : « il y avait déjà un conflit entre ces 2 associés et le DG ; et voilà que maintenant, c’est pire qu’avant le confinement, le conflit s’étend au-delà des 2 associés et auprès de leurs équipes seniors ». L’appauvrissement de la dimension sociale pendant et depuis le confinement, la dégradation de la communication privée du non-verbal, et le manque d’espace de régulation des tensions ont amplifié et rendu plus visibles encore les tensions déjà existantes et les problèmes d’organisation.

Réduire les fractures

Avec le déconfinement, les entreprises voient surgir d’autres difficultés relationnelles créatrice de fractures : entre ceux qui reviennent au bureau, ceux qui ne reviennent pas, ceux qui ont se sont révélés de bons managers du point de vue des équipes, et ceux qui n’ont pas su écouter, rassurer, souder leurs équipiers, et retrouvent en manque de légitimité aujourd’hui.

Il est urgent de mettre en place des actions d’accompagnement pour apaiser les relations et réduire les malentendus. Et cela avant même d’essayer de tirer des enseignements de la crise covid. Même si de nombreuses bonnes pratiques sont nées pendant ces étranges semaines, elles ne pourront pas se perpétuer et s’ancrer dans le collectif si rien n’est fait pour ressouder les fissures du collectif abîmé. Cela commence par écouter les salariés, assurer de la médiation entre les managers et les équipes et réajuster des modes de fonctionnement. Il existe plusieurs formes possibles d’intervention pour ré-embarquer individus et collectifs : accompagnement de collectif, d’équipe, coaching individuel ou de binôme.

Car le sens est à réinventer, le pire serait que cette crise n’ait (vraiment) servi à rien. La seule chose qui fasse encore sens, ce sont les personnes elles-mêmes, la qualité des relations, des valeurs humaines et le sentiment d’appartenance au collectif. Selon le contexte et les enjeux de chaque manager, une approche sur-mesure permet de reconstruire des liens solides, de la confiance, du « oser dire » et de la co-responsabilité. Voilà notre défi collectif : se préparer tous ensemble à naviguer dans un futur plus qu’incertain.

Article co-écrit avec Chloé Ascencio et Magali Thoraval

close

Newsletter

Abonnez-vous pour recevoir les dernières publications de Connecteam

Nous ne spammons pas ! Consultez notre politique de confidentialité pour plus d’informations.

Partager cet article

Facebook
Twitter
LinkedIn